Inhibition Totale.

Lundi 27 février 2012 à 13:31


& je crois que c'est ça. C'est à ça que ça me fait penser. A ces belles vacances de Pâques. Au soleil. Alors qu'on était tous les deux flingués. Flingués. Complètement flingués. On était cassés. C'est comme si on avait réappris à marcher. On avait tout coupé. Tout. L'ordinateur, le téléphone, tout. On parlait que à nous. Et on n'en parlait pas. Jamais. Comme si on pouvait se réparer en pédalant au soleil. C'était comme d'habitude. On n'en avait pas parlé. On avait construit un autre monde. Un monde où ça existait pas. Parce que c'était plus simple. Parce que c'est plus simple. Et on faisait du vélo. On écoutait de la merde. On riait, on riait, et on se disait que, putain, même avec les beignes qu'on se prenait, même en se cassant les dents, ça valait le coup, quand même. Ca valait le coup. Le soleil dehors c'était sympa, mais le soleil dedans, ça c'était quelque chose. On se forçait à mettre un pied devant l'autre parce qu'on savait qu'au bout il y avait une connerie à faire. On était là, comme des cons, comme des bébés, à faire semblant que tout allait bien. Et moi je sais pas si on faisait vraiment semblant. Honnêtement. J'en sais rien.

Alors pour tout ça, alors pour les photos, pour le vélo, et pour le reste, alors grâce à Romain, alors grâce à nous, c'était bon. C'était bien. C'était magnifique. Y avait plein de couleurs, on vivait tous les trois, mais oui Monsieur, on vivait, parfaitement. On avait notre maison, et surtout, on avait nous. Et ça suffisait. Et, plutôt, c'était ce qu'il fallait. Le verbe "suffire" ne convient pas. Ca suffisait pas, non. C'était. C'était ce qu'on voulait.

Parce que c'est une histoire à la con, une histoire niaise, un truc à la Montaigne- La Boétie, parce que c'était nous, parce qu'avec n'importe qui d'autre ça marcherait pas. Ca marche juste parce que c'est nous, parce que c'est comme ça. C'est très fragile. C'est pour ça que c'est aussi solide. Parce que c'est une bulle. Une bulle de nous. Un espace. Hors du temps. On n'est pas dans la semaine. On n'est pas dans le mois. On est ailleurs. On est partout. On sait même pas quel jour on est. Et on s'en fiche.



Ca, c'est le mail du Zéro Sept/Zéro Quatre/Onze. Il s'appelle "So voilà le plan. (So, ça veut dire "alors" en anglais.)"

"Parce que j'te lâcherai pas. Parce que j'veux pas que tu ailles mal. & parce que moi non plus je ne vais pas très bien. Alors on va faire ça Compagnon. On va réaliser un rêve. Un rêve de gosse. On va se voir. Bientôt. Longtemps. Et on va couper les ponts. On va s'enfermer dans ta maison. Que Nous. Juste Nous. Seulement Nous. Nous. Et on va faire n'importe quoi. On va courir. On va se cacher. On va hurler en yaourt sur CHANA PAULEEE, on va hurler sur Lorie, Lolita et Shy'm. Ensuite je dirai "On joue à la Game Cube !" et toi tu répondras "Oui, mais à Golden Eye." Tu regarderas la tête que je ferai, et tu exploseras de rire. Ensuite on jouera. Et j'aurai droit à "Mais t'es vraiment une merde ! Mais, Luce, mais t'as pas d'cerveau ! Oh lal... OH MAIS PUTAIN !! QUELLE MERDE !!". Ensuite, si on arrive à brancher la Play, on jouera à Micro Machines. Je tomberai dans les céréales, parce que j'aurai pris un virage de merde. Tu vas rire, encore. Ensuite on aura la même idée. En même temps. On redescendra. On jouera à Suivez la ligne. Et je ferai des carrés dans les boucles. Et je ferai un score tellement petit que tu diras "Mais tu m'prends vraiment pour un con ! Tu crois qu'on m'la jamais faite ?". & puis on mettra Super Smash Bros Mêlée, je te défoncerai avec Mr. Game & Watch, & j'aurai droit à "LUCE TU M'EMMERDES BORDEL !" Et puis il sera sûrement quatre heures de l'après-midi. On n'aura pas mangé de la journée, alors tu feras ton mélange Nesquik dégueulasse, et moi je tremperai des céréales dans du Nutella. On regardera sûrement la télé, des trucs tellement stupides qu'après on aura envie de manger notre cerveau. On ira "faire à manger", c'est-à-dire (mal) décongeler un plat périmé, et on mangera. On mettra la journal de TF1 mais on n'écoutera rien puisqu'on refera la voix du présentateur & des mecs interviewés. & puis on passera aux choses sérieuses. D'abord on jouera un peu aux Pikmin, histoire de se mettre en condition. Et puis on éteindra la lumière, et on refera d'une traite Luigi's Mansion. On ira se coucher à trois heures du matin. Et à trois heures et demi tu viendras frapper à la porte de ma chambre. Tu me diras Luce j'ai pas envie de dormir, tu viens, on fait de la merde. Et on retrouvera le costume de SpiderMan. Et on se déguisera à quatre heures du matin. On sonnera, tant qu'on y est, pour faire comme la tante d'Emilie. Tu me diras "Non mais Luce, t'imagines qu'elle a fait ça, y avait toute ma famille qui dormait !". & on rira. Et finalement on ira se coucher. Tu viendras me réveiller en mettant la chanson du Roi Lion A FOND dans les oreilles. Je ne m'énerverai pas, ça te ferait trop plaisir. & puis on regardera des Malcolm. Plein, plein de Malcolm. On se prendra en photo, on fera les carpes, et on se filmera. On sortira peut-être un peu, mais on n'achètera rien, parce qu'on sera trop pauvres. Et puis on attendra la nuit. Et on ira en vélo chez Irène Luce. Et on chantera Tri Martolo, puisque tu lui as envoyé. On ira peut-être au cinéma, on cherchera un film pire que L'apprenti Sorcier, mais on trouvera pas. Mais ça sera bien quand même. Et puis ensuite on dira " - Non mais Arthur, t'imagines qu'on rigole des mêmes trucs depuis la sixième ? - Ben comme ça on les oublie pas !" et " - Quand même, t'imagines le temps qu'on perd à faire tout ça ? - Comment on écrit 'artichaut' ?" voire même "Non mais Luce, t'as vu à quoi on joue ? Non mais t'as quel âge ?"   
Je veux des journées n'importe quoi. Je veux des éclats de rire. Les mêmes que quand on avait Onze ans. Douze ans. Treize ans. Quatorze ans. Quinze ans. Seize ans. Dix-sept ans. Ca n'a jamais changé. J'aime rire dès que je vois ta tronche, j'aime savoir que quoi qu'on fasse on finira par rire, j'aime que ça n'ait pas changé.
 
Alors je voudrais te remercier. Parce qu'il n'y a qu'avec toi qu'on peut faire ça. Et parce que moi j'ai besoin de faire ça. J'ai besoin de vacances. & j'ai envie de te voir. & après on sera tout décalés, on dormira pas à la bonne heure, on n'aura plus de voix, on aura les yeux explosés, et on ira bien. Très très bien.
 
Jé téme Jau lâââ khrââsse !"



Et ça, c'est le résultat. Vingt-Trois/Zéro Quatre/Onze. C'est une confirmation. Ca se répète mais c'est normal. Parce que c'est une confirmation. C'est tout à fait normal. Et, surtout, c'est parfait.

"Je suis arrivée. Arthur est sorti de la maison. En rigolant. Alors j'ai rigolé. Normal. Normal. Ensuite j'ai rangé mes affaires. Et je lui ai offert ses cadeaux. Dont une boîte de purée Mousline. Il a rigolé. Ensuite Romain est arrivé. On a commencé à jouer. Et puis j'ai eu une idée. Je me suis levée. J'ai monté l'escalier. Et j'ai posé ma montre. C'était très important. Parce que quand on se voit le temps s'arrête. Toujours. Ca a toujours été comme ça. Il passe pour les autres. Mais il s'arrête pour nous. Et puis on a coupé les ponts. Nous. Juste nous. Après tout, on n'a jamais eu besoin de personne d'autre. Et puis on a joué. On a parlé jusqu'à trois heures du matin. On l'avait jamais fait. On a pensé à Emilie. Mais on ne l'a pas dit. On a regardé la télé. On a tellement ri à cause de Massato que je suis tombée du canapé. On a hurlé. Devant la télé. Devant Super Smash Bros Melee. On a fait du vélo. Là aussi, on a hurlé. Les chansons les plus pourries qu'on trouvait. J'en avais marre de l'histoire. J'avais presque rien fait mais j'en avais marre. Alors je suis allée chercher Arthur et Romain. Je leur ai dit "Vous venez, la lumière est belle, on ferait des photos ?" Ils ont dit D'accord. On finit la partie et on arrive. Une fois il était Une heure Trente du matin même, et j'ai dit à Arthur Tu viens on range on n'est pas fatigués Et il a dit D'accord mais on met la musique à fond. Et on a hurlé avec Sean Paul. Il faut dire YOYOYOYOYO CHANA POLE et parler le yaourt, c'est pas dur. Romain nous a emmenés faire les courses, aussi. Il s'est occupé de nous. Mais j'ai dû jeter les cacahuètes. On a dit des trucs de Pauvres. On a essayé des habits trop chers. On n'avait pas le droit de faire un dégât à Carrefour parce que Romain y travaille. Mais en fait comme il était trop tard on est allés au Leclerc. & on a fait un dégât.

On a fait la même chose qu'à Onze ans. Douze ans. Treize ans. Quatorze ans. Quinze ans. Seize ans. Dix-sept ans. Sauf pour le soleil, mais c'étaixceptionnel.

On aurait pu dire, comme d'habitude " - Non mais Arthur, t'imagines qu'on rigole des mêmes trucs depuis la sixième ? et "Non mais Luce, t'as vu à quoi on joue ? Non mais t'as quel âge ?". On l'a pensé très, très fort, et puis on a dit autre chose. Plein d'autres choses. Je le sais. Je les ai recopiées. Parce que c'était bien. C'était vraiment, vraiment très bien.

 

Ca valait bien trente-cinq heures d'épreuves foirées. Ca les valait largement.

Merci."




Des fois je me dis qu'en fait, on essaie de bâtir notre monde. A nous. C'est niais et c'est inespéré mais c'est comme ça.

Et, honnêtement, j'ai tendance à croire qu'on a vraiment réussi.


Voilà. A nos dix ans. A nous.

Lundi 6 février 2012 à 22:37


& parce qu'avant de te rencontrer j'étais une épave. Je croyais que j'étais une ruine stérile, je croyais que j'étais cassée, je croyais que je pouvais pas aimer. Personne. Jamais. Et puis t'es arrivé, et puis j't'ai pas aimé, faut pas exagérer, mais j'ai été bien. J'me suis pas mise à croire en des tas de trucs débiles, tu vois, parce que c'est pas tellement mon genre, mais j'ai quand même espéré en nous. & je vibrais, & je me cachais derrière les courants d'air pendant que mon ventre souriait, & je mangeais des soleils, et je crois que j'avais envie d'être avec toi. D'être, vraiment. De donner. Moi j'ai rien. J'ai rien à donner, mais j'ai eu envie d'essayer. Et ça ni ton air condescendant ni les sourires méprisants que tu m'adresses lorsque tu t'amuses à m'humilier n'y changeront quoi que ce soit. J'ai grandi je vais mieux et même si je me mords continuellement la nuque le fait est là. T'es important t'es un bout t'es une brique un appui un virage t'es moi t'es un bout de moi. Un petit hein. Mais un bout quand même. & ce malgré le mur que tu t'obstines à ériger entre nous. & ça me fait mal & ça me détruit. J'ai passé des mois des jours des heures à penser à toi. Maintenant t'es à dix mètres de moi, parfois moins, souvent plus, et tu te retournes pas. Et tu te retournes jamais. Et c'est stupide mais ça me fait mal. Je pensais pas que ça pouvait exister. J'y croyais pas. & ça aussi c'est important. & je fais semblant de saler mes larmes avec le vent mais ce sont les tiennes. Mais c'est ta faute. Mais maintenant je sais. Parce que j'suis juste de l'air, je suis pleine de vide, & quand j'ai pas d'problèmes je les fabrique. Je suis intenable. C'est juste. C'est normal.

& puis bon, ça m'aurait étonnée, aussi.

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